La rumeur circulait depuis belle lurette. Certains membres de Baricad Crew mijotent leurs projets solos tout en restant soudés à leur groupe. Finalement, le premier pas revient à Izolan, le “dezòd” attitré du groupe, s’isolant ainsi du reste de la meute. Le jeune rappeur a mobilisé une foule en liesse les 13 et 14 juin pour signer sa mixtape vendue par millier à 125 Gourdes l’unité. La clientèle de cette vente signature est en majorité composée de jeunes fans et supporters de BC. Ils ont fait le pied de grue en désordre ou en bons enfants pour se procurer l’opus. En même temps, la rue Nicolas est en branle en vue de la commémoration du premier anniversaire de la mort de Katafalk, Dade, Déjà voo, Guichard et Ti Batè.
Tot dans la matinée du 13, tout est fin prêt pour la livraison de ‘’Bri kouri’’. Kiosque de sponsor, boites de CD, mobile pub crachant les décibels du ‘’jeneral’’, etc…Les jeunes du quartier sont à pieds d’œuvres pour ce double évènement. Fait bizarre. Seul Fantoms est auprès de son compère pour les signatures tout comme il l’est sur l’album. Les autres membres du groupe ont brillé par leur absence. D’autres occupations ou préoccupations ? Une chose est sure, ils n’ont pas foulé le sol de la rue Nicolas le premier jour.
Bri kouri: riche en beat, pauvre en lyrics
Loin de moi l’idée de me lancer dans une analyse approfondie de cet album- je laisse le soin à l’expert djecee de le faire- mais il serait de bon ton de le survoler un bref instant. Sorti sous le label Sak pase Records de Wyclef Jean, ‘’Bri kouri’’ comporte une dizaine de morceaux d’un rap à la fois doucereuse et hardcore. Wyclef Jean, Ambassade Camp, Fantoms pour ne citer que ceux-là lâchent quelques flows en feat sur des thèmes oscillant entre l’ego, la popularité, les relations de couple et un hommage aux disparus.
La princesse Eud, récemment intronisée chez Mystik 703, est tout simplement magistrale grâce à son flow original fait de variation et de prouesses vocales. L’écriture est malheureusement pauvre en poésie et métaphore, grande caractéristique des textes de Barikad Crew et du Rap en général. Quant aux beats, ils sont tout simplement supers. Vous vous ferez une idée précise de cet opus après une écoute en boucle.
Foule, musique, bonne ambiance et… dame pluie.
Le jour J est enfin arrivé. Les lampadaires ainsi que les trottoirs sont peints en rouge et blanc, couleur emblématique de BC. Les marchandes de victuailles et de boisson du champs-de-mars ont investi l’espace exiguë de l’intersection de l’avenue Magloire Ambroise et rue Nicolas. Une vraie fourmilière mobilisée depuis la veille pour faire de cette commémoration une réussite sur toute la ligne. Hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux de toute classe sociale déambulent sur le macadam arborant fièrement leurs mouchoirs rouges.
Dj Arsenic met la pression en mix. MC Jonas la contrôle en animation. Soudain, une pluie dilluvienne s’abat sur le quartier du Bas Peu de Choses s’invite à la fête, contraignant le public à fuir les lieux des réjouissances. Apres une bonne vingtaine de minutes, le calme revient mais Bwadchenn mande anraje ! (La rivière Bois-de-chêne est en crue). Au grondement tempétueux de Bwadchenn s’ajoute une fine pluie qui continue de mouiller les entrailles du sol, jusqu'à ce que l’ambiance reprenne pour la plus belle.
Magic click, Ambassade Camp, Pick-up click, T Ansyto et cie sont tous présents pour rendre un hommage bien mérité à leurs camarades disparus tragiquement, il y a de cela un an. C’est un mélange de ‘’goumen pou sa w kwe’’ et de ‘’jiskobou’’ qui fait chauffer la base des généraux. De temps en temps, ils ne manquent pas de rappeler le noble but de ces réjouissances. Izolan, égal à lui-même, reste le plus loquace d’entre eux tous, même si chacun d’eux voulait s’exprimer. Imaginez le désordre…
Tout est bien qui finit bien.
2h du matin. BC annonce la fin de la soirée. Le lendemain, ils iront déposer un bouquet de fleurs sur les lieux du drame. Le public se disperse, à contre cœur, souhaitant prolonger l’ambiance jusqu’aux ‘’petits chiffres’’. Les grosses enceintes de Dj constant continuent de cracher une sono étourdissante mais dans un registre plus ‘’religieux’’ en proposant aux jeunes ‘’Jezi vin pilote m’’. Il faut la protection divine pour bien rentrer chez soi dans le black-out généralisé.
Une soirée pour dire aux disparus qu’ils ne les oublieront jamais. Rendez-vous l’année prochain pour une autre commémoration et peut être une vente signature au coeur de la Rue Nicolas ? Il n’est que d’attendre. Même s’ils ont toute une jeunesse acquise à leur cause, BC reste avant tout l’affaire de BPC.